Dimanche 28 : Le matin, je n’avais plus de menthe, ni de basilic. Je suis donc allé ramasser dans le champ de la menthe sauvage. Celle-ci est moins parfumée mais elle fait son travail : une infusion matinale au soleil.

 

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Le midi, je remange… du ragoût. Pour parler du pain que je trimballe avec moi, il est tellement bon que tout le monde m'en mange: je risque de ne pas en avoir assez jusqu'à la prochaine fournée...

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Dans l’après midi, Jérôme, mon ami d’enfance, qui habite derrière le bois d’en face, est venu, me voir, non parce qu’il était attiré par les odeurs de ragoût mais comme ça, pour dire bonjour. Son grand-père, lorsqu’il était en activité, était meunier. Il lui a transmis la passion des moulins et depuis, il écume les brocanteurs, les anciens meuniers et les marchants de matériel agricole pour monter des moulins électriques et moudre le blé qu’il fait pousser, naturellement, sur quelques ares caillouteux du Causse. Bien que géomètre, il se constitue petit à petit une ferme qui lui procure de quoi subvenir à sa consommation de farine (transformée par sa femme Valérie en gâteaux et en pains) à sa consommation d’œufs, de légumes et de lapins…qu’il ne mange pas (il les collectionne et les fait concourir).

 

Lui ayant dit qu’il me fallait de la farine pour confectionner des petits gâteaux aux noisettes, il m’en a amené 6 kilo que je lui troqué, le sachant non cuisinier mais très gourmand, contre une gamelle de ragoût de chevreuil.

 

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Il me manquait les noisettes…. Il me fallait donc faire l’écureuil avant la tombée de la nuit. J’ai donc rempli, à une vintaine de mètres de là et à la fraîcheur du soir, quelques poches de ces fruits secs, sous les noisetiers en bordure d'un muret en pierres sèches.

 

 

 

Le soir, devinez quoi… j’ai amené ce qu’il restait du ragoût pour le faire goûter à mes grands parents. Je suis arrivé avec mon tupperware et mon pain. Ma grand-mère m’a fait, tout le repas, des remarques d’incompréhension concernant mon expérience. Mon grand-père, à voir et à entendre ma grand-mère catastrophée de me voir refuser les paquets de gâteaux qu’elle me tendait, n’arrêtait pas de rigoler. « Tu veux me corrompre », lui disais-je à chaque fois qu’elle revenait à la charge avec des desserts au chocolat différents.

Mon grand-père, âgé de 88 ans, n’a jamais bêtement souri lorsque je lui racontais les buts et la façon dont j’allais mener mon expérience. Ce soir là, il me raconta comment cela se passait « avant », oui, avant le déménagement du territoire, la spécialisation des régions et la généralisation des transports pas chers. « Et oui, à l’époque, on se suffisait. Chaque ferme produisait ce dont elle avait besoin et on achetait uniquement ce que l’on ne pouvait pas faire. Maintenant, on a été rendu dépendants, pour des choses que l’on faisait, des autres régions, des grandes surfaces et des camions. Tout ça a été poussé depuis 60 ans par le syndicat agricole majoritaire qui décide de tout et qui ne défend que les gros ».

C’est la dernière fois que j’ai pu échanger avec lui, quelques jours après, il est mort.

 

 

 

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Samedi 27 : Je me suis donc mis à peler les légumes de la veille en faisant revenir les morceaux de chevreuil tué dans les bois (peut-être à 150….. mètres) à l’huile d’olive et que je flambe à l’eau de vie de prunes (15 mètres). J’ai recouvert tout cela avec du vin blanc du Gers (tout juste 150 km), du thym et de la sauge. Je ne cache pas que le Cahors (moins de 50 km) accompagnait bien ce plat…. Il y avait tellement d’ingrédients que j’ai du utiliser deux marmites… Tout bien calculé, il y en a pour quatre repas pour quatre personnes......pour 25 euro d'ingrédients, vin compris et en faisant comme si j'avais du acheter la viande.....

 

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Vendredi 26 : Ce soir, je vais chercher mon panier de légumes chez Raphaël.

 

 

 

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Je dois aller dans le Lot chez mes grands-parents. Sachant que j'ai ces légumes, que c'est à 150 km et que je n'ai pas envie de questionner cette fois ci chaque vendeur sur le marché du dimanche là-bas, j'amène les légumes. Je ne sais pas encore comment je les préparerai mais je trouverai bien mais il me vient une idée. Le congélateur de mes parents est plein de sangliers et de chevreuils qu'ils ne préparent jamais. Je vais profiter de ce panier pour vider un peu le congélateur en préparant ce week-end un râgout...

 

Je déguste un oignon de Villemagne, une tranche de jambon, du pain, du fromage de chèvre, du vin et en dessert, une tranche de pain au miel.

J'ouvre la porte du congélateur et en sorts du chevreuil que je laisse décongeler pour le lendemain...

Jeudi 25 midi : Les paysans – boulangers viennent me livrer deux pains au bureau ! Au château, j’ai apporté du coulis de tomates avec des poivrons et de l’ail, le pain, une tranche de génisse, du vin et du fromage.

Cet après midi, Huguette GUIRAUD, qui est productrice d’oignons de Villemagne, vient m'en livrer au bureau plusieurs kilos…..

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C’est avec cet oignon que je me suis remis à en manger il y a quelques années. Depuis tout petit, je ne les digérais pas mais avec ceux-là, bizarrement, ça va. Ils sont doux, parfumés, juteux….et pas chers ! Huguette les fait à 3,50 euro le kilo… L’année dernière, avec l’Association Occitanie – Passerelle, nous avions justement organisé une journée pédagogico-festivo-gastronomique autour de cet oignon pour lequel il ne reste que très peu de producteurs…

Pour ceux qui ne le connaissent pas, voici un petit texte que j’avais réalisé pour cette  journée, à partir d’informations collectées succinctement auprès de personnes âgées :

Il n'y a presque pas de données….

Les seules sont éparpillées et enfouies dans la mémoire de celles et de ceux qui en ont vécu…

Je les ai recuillies à partir de trois entretiens avec Mesdames COUX, mère et fille, Monsieur et Madame BRUNEL et Madame GUIRAUD.

Particularités de l’Oignon de Villemagne

- Il se déguste de préférence cru

- Doux

- Parfumé

- Il ne pique pas

- Il est fragile

- Il pique quand il ne pousse pas à Villemagne

Pourquoi est-il doux ?

Le terrain est sablonneux, granit, schiste, humifère.

C’est la partie géologique la plus vielle : époque hercynienne.

A quelques centaines de mètres plus loin, il pique !

Il y avait 3 productions, toutes douces  :

-         scorsonère

-         navet noir

-         oignons

Elles ont toutes, dans l’ordre, quasiment disparues.

Combien de volume par vendeur ?

-         Madame COUX se souvient qu’elle en vendait :

o       Sur le marché de Castelnaudary : 100 Kgs par semaine de septembre à janvier / février.

o       Plusieurs kgs à travers les revendeurs ou grossistes

Monsieur BRUNEL, qui en a fait de 1989 à 2002 en complément de sa retraite, en vendait autour de 400 kgs et en envoyait même par la Poste à Paris.

Il se gardait jusqu’à ces mois là car il n’était pas arrosé…

Toujours en complément d’une autre activité : complément de retraite ou d’activité. Toutes les familles de Villemagne le produisaient.

Les oignons ont réussi à payer les études des jeunes jusqu’aux années 70.

Il ne reste à l’heure actuelle que 6 producteurs sur la commune dont un qui les vend sur le marché de Castelnaudary.

La grande majorité des producteurs était des paysans mais il y avait également des ouvriers qui, avant d’aller à l’usine de Cenne-Monestiès ou en en sortant, allaient le travailler.

C’était un travail sur l’année et toute la famille était mise à contribution !

Semences en janvier sur des planches (« tautel ») de 60 cm pour ne pas se toucher en désherbant. Les graines ne se sèment pas profond et étaient recouverts de genets et tous les matins, il fallait dé-genets (ha ha ha !!!).

Le désherbage se faisait à la main brin à brin !

Il y avait « arrosage » des plans avec de l’urine humaine, diluée à 1 pour 10 !!!!!

« fayssa » : ensemble de sillons

Le semis pousse jusqu’en mai (4 mois)        le « plantolier ». On l’enlève dès qu’il est rouge. Il fallait qu’il y ait 3 queues sinon, ce n’était pas la peine : les 2 queues étaient jetés car cela faisait plus tard des oignons longs donc invendables (des cébars).

Plantation :

-         on fait le sillon qu’on arrose puis on met les oignons séparés de 5 cm

-         on recouvre juste au raz de la naissance des queues

-         on ré-arrose

-         on recouvre encore de terre

Arrosage naturel :

Au bout d’une semaine, il se redresse : c’est le moment du sarclage avec le sarclet : c’est du désherbage mais on ne l’arrose pas !

Avant, il pleuvait, les saisons étaient marquées :

- St Jean : 23/06

- 14 juillet

- Madeleine : 28/07

- 15 Août

De toutes façons, il n’était pas techniquement possible de le faire………

Maintenant, pour compenser le changement du régime des précipitations, on arrose mais pas trop car il deviendrait trop gros, n’aurait pas de goût et ne se conserverait pas !

A partir de la fin août, on arrache, dès que la queue se plie. On le fait dès la rosée et on laisse sécher dans les champs.

Après le séchage en champs, on les ramasse et on les met sur une charrette ou une brouette en faisant attention aux meurtrissures car dès qu’il y a un pet, c’est perdu… !

Les têtes étaient rangées vers l’extérieur et les queues vers l’intérieur.

Arrivés en grange, on les montait en corbeilles et on les stockait sur le plancher.

Les pelures, les « forfols »

Les bouquets étaient ficelés par 3.

Pour faire un kilo, il en fallait une douzaine.

Ne pas abîmer les queues sinon on ne pouvait pas faire de bouquets.

Les oignons qui perdaient les queues partaient pour les grossistes de Perpignan, comme les gros qui étaient invendables car ils se vendaient beaucoup moins bien au marché.

Il y avait 2 « maquignons de l’oignon » à Villemagne

Pourquoi n’y a-t-il presque plus de production d’oignons de Villemagne alors que pour ceux qui le font, il se vend très bien ?

Pas de mécanisation possible en raison :

-         de la taille des parcelles (très petites)

-         les oignons ne supportent pas les coups

-         les gens n’avaient pas les moyens d’acheter des machines

Donc, tout est à la main….

Il y a dix ans, une personne du village avait retrouvé les graines originelles au Muséum d’Histoire Naturelle ou à l’INRA.

Certains affichent sur les marchés « Oignons de Villemagne » !!!!

Une demande existe et très peu de personnes en produisent encore……..

 

A la ceba ! A la ceba !

Mangeons et sauvons l’oignon de Villemagne !!!

 

 

Mercredi 24 midi : Je vais manger au Château à Saint Papoul où j’arrive avec les tupperware…dans lesquels il y avait du fromage, du melon, ne salade de tomates et du pain. Je ne sais pas pourquoi mais il me monte une envie de poisson…

 

 

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Mardi 23 :

A midi, je me prépare, tout simplement une salade verte avec des haricots du jambon, des cabécous, du pain et du vin.

 

 

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Le soir, je me suis préparé une tranche de poulet de la Piège achetée à Labastide d’Anjou, chez Jean-Jacques BIREBENT qui ne travaille vraiment pas mal. Tout n’est pas du coin mais il fait l’effort, avant de transformer sa charcuterie, de s’approvisionner localement.

Je me suis donc préparé, avec une tranche de poulet qu’il a fait venir de la Piège, une assiette de riz de l’étang de Marseillette, du fromage, du pain et du vin.

 

 

 

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Lundi 22 : J’ai l’habitude de manger, régulièrement les jours où je suis au bureau le midi, à l’atelier de restauration d’un Centre Educatif et Professionnel qui se trouve à quelques mètres de mon lieu de travail. Des profs, des éducateurs, des secrétaires et une psy constituent une table assez animée et rigolote. Les repas sont préparés et servis par des jeunes en insertion mais les ingrédients n’ont rien de locaux. Qu’allais-je faire ? Ne plus les voir au prétexte, réel, que la nourriture servie n’est pas locale ? J’ai donc décidé de faire ma première dérogation tout en essayant de présenter ma démarche au chef. J’ai donc mangé mon premier repas non identifié depuis deux semaines (salade au jambon, tomates à la provençale sauté de dinde, yaourt). J’avais l’impression de commettre une faute… Ça me faisait râler de penser que je ne pourrais plus y revenir. J’ai donc proposé au chef d’amener ls prochaines fois mon tupperware… il a accepté !!!

J’en ai profité pour échanger avec la psy sur l’éventuelle incidence de mon expérience sur mes relations sociales (passe-je pour un martien ?; les gens sont interpellés ?; sont-ils prêts à modifier leur comportement ?; etc… Elle doit donc m’aider à établir un questionnaire que je pourrai donner aux personnes que je croise, comme à ma famille et à mes amis !